Pour lutter contre la pandémie de Coronavirus, le Gouvernement wallon s’est vu doter de large pouvoirs spéciaux, lui permettant d’exercer les compétences du Parlement (décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19).
Sur base de cette habilitation, il a adopté, entre autre, un arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 5 du 18 mars 2020 relatif à l’exercice des compétences attribuées au conseil communal par l’article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation par le collège communal.
Cet arrêté permet, pour une durée de 30 jours, de confier les attributions du conseil communal (l’organe élu) au collège communal (l’organe « gouvernemental » communal), sous réserve d’une confirmation des actes pris par le conseil dans un délai de 3 mois. Il s’agit de véritables pouvoirs spéciaux confiés aux Communes.
Concrètement des arrêtés généraux de police pourraient, par exemple, être adoptés par les Collèges afin de sanctionner certains comportements.
Si l’idée peut sembler intéressante, la construction juridique est toutefois très fragile puisque les procédures d’avis, notamment l’avis obligatoire de la Section de législation du Conseil d’Etat, n’ont pas été suivies, notamment pour l’adoption de l’arrêté de pouvoirs spéciaux n°5.
En effet, en vertu d’une législation fédérale, tout arrêté doit faire l’objet d’une demande d’avis à la Section de législation du Conseil d’Etat. L’absence d’une telle demande entraine l’illégalité de l’acte et de ceux qui en découlent; cette nullité est considérée comme d’ordre public.
Dans le cas qui nous occupe, l’article 3 du décret de pouvoirs spéciaux prévoit que:
« Art. 3. § 1er. Les arrêtés visés aux articles 1er et 2 peuvent être adoptés sans que les avis légalement ou règlementairement requis soient préalablement recueillis.
Le premier alinéa s’applique aux avis de la section de législation du Conseil d’Etat dans les cas spécialement motivés par le Gouvernement.
§ 2. Avant leur publication au Moniteur belge, les arrêtés visés aux articles 1er et 2 sont communiqués au président du Parlement wallon ».
On pourrait donc se passer de l’avis du Conseil d’Etat, dans les cas spéciaux motivés par le Gouvernement.
Premier problème, les entités fédérées, comme la Région wallonne ne peuvent en principe pas se dispenser de l’avis de la Section de législation du Conseil d’Etat, sauf le cas exceptionnel des pouvoirs implicites.
Deuxième problème, l’arrêté n° 5 de pouvoirs spéciaux indique que » Considérant qu’au vu de l’article 3 du décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, le présent arrêté » de pouvoirs spéciaux » ne doit pas être soumis à l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat, cette dernière ayant en tout état de cause invité le Gouvernement à éviter de déposer des demandes d’avis dans l’urgence. Le décret confirmant le présent arrêté sera soumis à la section de législation du Conseil d’Etat ». Cette motivation ne fait pas mention des « cas spécialement motivés » prévus par le Décret.
Dans cette situation, les actes adoptés par les Collèges sur base de l’habilitation, ainsi que les actes qui en découleraient, comme des sanctions, risquent d’être rendus inapplicables par les Cours et Tribunaux, qui ont le pouvoir et le devoir d’écarter les actes administratifs illégaux sur base de l’article 159 de la Constitution.
L’affaire est donc à suivre.