Où va la justice face aux mesures de lutte contre le Covid ?

Maître Stéphane Rixhon Avocat (droit public et droit administratif) tente ce jour dans la Libre Belgique d’expliquer comment lire les différentes décisions de justice rendues dans le cadre des mesures de lutte contre la propagation du Coronavirus.

A cette occasion, il identifie deux courants de décisions, l’un contrôlant sévèrement l’action du gouvernement et lui posant des limites, et un autre plus souple par rapport aux mesures adoptées.

Il rappelle également que des actions en responsabilité civile pourraient par la suite être diligentées contre des mesures illégales restrictives des libertés.

Retrouvez l’article en ligne sur https://lnkd.in/eyn2T3Cw

Nouvelle normalité administrative?

Le 21 janvier 2021, j’interviens lors de la conférence internationale du droit administratif à l’Université de Lima. L’occasion pour moi de revenir sur le cadre législatif de l’Etat de droit en Belgique et son évolution à la suite de la crise du coronavirus.

La présentation peut être consultée ci-dessous :

PLAN DE LA PRÉSENTATION
I. La « normalité » administrative belge jusqu’au 12 mars 2020
II. Les mesures de lutte contre le coronavirus et la réaction des corps constitués
III. L’héritage de la crise ?

I. L’ORGANISATION DE L’ETAT BELGE
a. La séparation des pouvoirs
b. Le fédéralisme centrifuge
c. La tradition d’autonomie locale
d. Les libertés publiques

a. LA SÉPARATION DES POUVOIRS
✓ Tous les pouvoirs émanent de la Nation (art. 33 Const.)
✓ Principe général de la séparation des trois pouvoirs
✓ Méfiance vis-à-vis du pouvoir exécutif
Limitation aux compétences attribuées par la loi ou la Constitution (art. 105 (et 108) Const.)
Contrôle de légalité incident par les juridictions (art. 159 Const.)
Possibilité d’annulation des actes administratifs devant le Conseil d’Etat (art. 160 Const.)
✓ Plénitude de compétence au législateur
✓ Confiance dans le pouvoir judiciaire (art. 144-145 et 159 Const.)

b. LE FÉDÉRALISME CENTRIFUGE
✓ Naissance des Communautés et Régions à partir des années 1970-1980
✓ Juxtaposition des territoires
✓ Entités fédérées compétentes dans les matières spécialement attribuées (art. 127 à 130 Const., 5, 6 et 10
LSRI); Autorité fédérale dispose des compétences résiduelles
✓ Equipollence des normes législatives (art. 127 à 130 Const. Et art. 19, § 2 LSRI)
✓ Exécutifs régionaux et communautaires disposent des compétences qui leurs sont attribuées (art. 5-6 LSRI)
✓ Contrôle de la répartition des compétences par les Cours, Tribunaux et la Cour constitutionnelle

c. LA TRADITION D’AUTONOMIE LOCALE
Communes et Provinces
Tutelle régionale
✓ Compétence en matière de maintien de l’ordre public (art. 135 § 2 NLC)
✓ Conseils élus – pouvoirs les plus étendus (not. L1122-30 CDLD)
✓ Collèges et Bourgmestre disposent des compétences attribuées

d. LES LIBERTÉS PUBLIQUES
✓ La Constitution ne peut être suspendue en tout ou en partie (art. 187 Const.)
✓ Catalogue de libertés publiques fixées au Titre 2 de la Constitution
✓ Adhésion à la CEDH – théorie de l’ensemble indissociable
✓ Le droit international conventionnel ayant effet direct prime la loi et la Constitution

II. LE TRAITEMENT JURIDIQUE DE LA CRISE DU CORONAVIRUS
✓ Les trois temps de la crise
a. La première crise (mars-mai 2020)
b. Le déconfinement (juin-octobre 2020)
c. La seconde vague (novembre 2020- )

a. LA PREMIÈRE CRISE
Réaction administrative
✓ Adoption d’un arrêté ministériel fédéral le 13 mars 2020 « portant des mesures d’urgence pour limiter
la propagation du coronavirus COVID-19 »
✓ Adoption d’un autre AMF de la même date portant le déclenchement de la phase fédérale concernant
la coordination et la gestion de la crise coronavirus COVID-19
✓ Adoption de deux arrêtés royaux du 17 mars 2020 faisant sortir le gouvernement fédéral des affaires
courantes
✓ Adoption d’une série d’arrêtés ministériels de confinement par la suite
✓ Arrêtés de pouvoirs spéciaux à tous les niveaux

Premier confinement :
✓ Pas de masque
✓ Fermeture des écoles
✓ Télétravail obligatoire sauf pour les fonctions essentielles
✓ Interdiction des déplacements non-essentiels
✓ Pas de limite géographique ni de document à remplir

Réaction législative
✓ Vote de confiance du gouvernement le 19 mars 2020
✓ Lois du 27 mars 2020 habilitants le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du
coronavirus COVID-19
✓ Et autres décrets et ordonnances de pouvoirs spéciaux
✓ (Pas de texte législatif fait pour durer)
✓ Centaines d’arrêtés de pouvoirs spéciaux à tous les niveaux :
✓ Suspensions de délais de procédure;
✓ Attribution de pouvoirs spéciaux aux collèges communaux;
✓ Soutiens aux entreprises et secteurs culturels
✓ Etc.

Réaction juridictionnelle
✓ Peu d’avis du Conseil d’Etat
✓ Arrêts de rejet systématiques du Conseil d’Etat en extrême urgence
✓ Avis du Collège des procureurs généraux de mars 2020 sur les amendes admin. communales COVID
✓ Peu (pas?) de décisions judiciaires rendues

b. LE DÉCONFINEMENT
Réaction administrative
✓ Arrêtés ministériels cadres de déconfinement/reconfinement (réouverture progressive des
commerces, autorisation de se déplacer à nouveau, imposition du port du masque)
✓ Diverses mesures de soutien aux entreprises
✓ Peu de recours aux pouvoirs spéciaux (confirmation des arrêtés et exécution de ceux-ci
essentiellement)

Réaction législative
✓ Quelques mesures diverses
✓ Toujours pas de « grande loi » Covid/état d’urgence

Réaction juridictionnelle
Tribunal de Première Instance de Bruxelles, section civile, du 5 août 2020 : les demandeurs poursuivaient « la
condamnation de l’Etat belge et de la Région wallonne à organiser des tests de dépistage à l’aéroport de
Charleroi ou, à titre subsidiaire, de les autoriser à s’en charger, afin de contrôler les passagers qui reviennent
d’une zone classée rouge par le Ministre des affaires étrangères » : pas de pouvoir de juridiction pour forcer les
pouvoirs publics à agir.

Réaction juridictionnelle
✓ Décision du Tribunal de Police du Hainaut, Div. Charleroi du 21 septembre 2020
✓ Beaucoup d’arrêts de rejet du Conseil d’Etat
✓ Un seul arrêt de suspension: arrêt n° 248,541 du 9 octobre 2020, (ordonnance du bourgmestre de la
ville de Bruxelles du 28 septembre 2020 interdisant, pour une durée indéterminée, la prostitution sur
le territoire de la ville de Bruxelles en raison de l’épidémie de coronavirus COVID-19).

c. LA SECONDE VAGUE
Réaction administrative
✓ Arrêtés ministériels de reconfinement (pas d’interdiction de déplacement, pas de fermeture de
l’école obligatoire, imposition du masque, sinon parallèle au mois de mars); prolongation au moins
jusqu’au mois de mars 2021
✓ Arrêté royal du 24 décembre 2020 concernant l’enregistrement et le traitement de données relatives
aux vaccinations contre la COVID-19 (vivement critiqué par l’Autorité de protection des données)
✓ Quelques arrêtés de pouvoirs spéciaux

Réaction législative
✓ Nouvel octroi de pouvoirs spéciaux par des dispositions législatives
✓ Lois permettant le traçage d’informations en matière vaccinale, ou portant des mesures sociales ou
économiques
✓ …et toujours pas de grande loi sur l’état d’urgence (mais « une loi générale « pandémie » serait utile.
(en décembre), la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a expliqué à la Chambre que le texte
était en préparation ». )
✓ Dispositions législatives qui confirment les arrêtés de pouvoirs spéciaux

Réaction juridictionnelle
✓ Beaucoup d’arrêts de rejet du Conseil d’Etat
✓ L’Assemblée générale du Conseil d’Etat statue en extrême urgence sur la validité générale des
règles de confinement
✓ Mais…
✓ L’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 ‘portant des mesures d’urgence pour limiter la
propagation du coronavirus COVID-19’ interdit l’exercice collectif du culte, sauf dans trois cas
strictement limités. Par son arrêt n°249,177 du 8 décembre 2020, le Conseil d’État a ordonné,
dans le cadre d’une demande en référé, que l’État belge modifie ce régime, à tout le moins
provisoirement, de sorte qu’une restriction éventuelle de l’exercice collectif du culte ne soit plus
disproportionnée.
✓ ET
✓ Dans son arrêt n° 249,019 du 24 novembre 2020, le Conseil d’État, après avoir procédé à un
examen au provisoire, juge que les dispositions des arrêtés de pouvoirs spéciaux n°s 2 et 20 du
Gouvernement wallon, qui concernent la suspension du délai de recours devant le Conseil d’État
pendant la première vague de la pandémie Corona, sont irrégulières en raison du défaut de
compétence du Gouvernement wallon.

EN GUISE DE CONCLUSION
✓ Le Fédéralisme en question – revalorisation de l’autorité fédérale ?
✓ La suspension des libertés publiques comme réponse à une crise – une loi d’état d’urgence ?
✓ Le rôle des Tribunaux et du Conseil d’Etat
✓ Etat de droit « outragé, brisé, martyrisé » et libéré de toute contrainte ?

Coronavirus : le Conseil d’Etat français suspend l’interdiction généralisée des cérémonies religieuses

Le Conseil d’Etat français a rendu le 18 mai 2020 une ordonnance de référé, nos 440366, 440380, 440410, 440531, 440550, 440562, 440563, 440590, laquelle enjoint au Premier Ministre de lever l’interdiction générale et absolue de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, sous la seule réserve des cérémonies funéraires pour lesquelles la présence de vingt personnes était déjà admise.

Cette décision est rendue au motif que cette interdiction générale présente un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière et ce, alors que des mesures d’encadrement moins strictes sont possibles, notamment au regard de la tolérance des rassemblements de moins de 10 personnes dans les lieux publics.

Cette ordonnance est l’une des premières (la première ?) décisions de justice qui remet en cause la proportionnalité d’une mesure de confinement. Le Conseil d’Etat belge avait, quant à lui, rendu une ordonnance n° 247.452 du 27 avril 2020 qui rejetait le recours d’extrême urgence introduit par des société qui s’estimaient discriminées par la réouverture de certains types de magasins et pas d’autres, au tout début de l’assouplissement des mesures de confinement.

L’ordonnance du Conseil d’Etat français étant très circonstanciée, on se permet ici d’en résumer et reprendre les éléments importants.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler la pertinence d’une mesure de confinement en vue de sauvegarder la santé de la population, pour autant que ces mesures soient nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.

La haute juridiction rappelle ensuite que la liberté de religion et de culte est consacrée par plusieurs textes de rangs constitutionnels ou internationaux.

Le Conseil d’Etat indique alors que :

« depuis l’entrée en vigueur du décret du 23 mars 2020 (…), les établissements de culte sont restés ouverts et les fidèles peuvent s’y rendre individuellement. Toutefois, ces derniers ne peuvent s’y rassembler ou s’y réunir, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes. Les fidèles ne peuvent ainsi participer à des cérémonies non funéraires qui s’y tiennent à huis clos que par le biais de retransmissions, y compris pour les importantes fêtes qui ont eu lieu au printemps dans les trois religions réunissant le plus grand nombre de fidèles en France. Par suite et eu égard à l’amélioration de la situation sanitaire ayant justifié le déconfinement, la condition d’urgence caractérisée, qui est prévue par les dispositions précitées, doit être regardée, ce que ne conteste d’ailleurs pas le ministre de l’intérieur, comme remplie.

« Il apparait que dès lors que le coronavirus, qui provoque la maladie dite covid-19, se transmet par voie respiratoire, le risque de contamination est plus élevé dans un espace clos qu’ouvert, si les personnes ont des contacts proches et prolongés et lorsque les intéressés émettent davantage de gouttelettes. S’il est possible d’être également contaminé par le biais des surfaces sur lesquelles le virus s’est déposé, les rassemblements et réunions sont la principale cause de propagation de celui-ci. Les effets des facteurs risque précités peuvent, toutefois, être atténués par les règles de sécurité qui sont appliquées au cours des rassemblements et réunions.

« Par suite, les cérémonies de culte qui constituent des rassemblements ou des réunions au sens des dispositions contestées, exposent les participants à un risque de contamination, lequel est d’autant plus élevé qu’elles ont lieu dans un espace clos, de taille restreinte, pendant une durée importante, avec un grand nombre de personnes, qu’elles s’accompagnent de prières récitées à haute voix ou de chants, de gestes rituels impliquant des contacts, de déplacements, ou encore d’échanges entre les participants, y compris en marge des cérémonies elles-mêmes et, enfin, que les règles de sécurité appliquées sont insuffisantes.

« Par suite, la nécessité de réglementer, en application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans un objectif de santé publique, les conditions d’accès et de présence dans les établissements de culte, lesquels ne peuvent être regardés comme assurant l’accès à des biens et services de première nécessité au sens de ces dispositions, est établie, en particulier au début de la période dite de « déconfinement ».

Malgré tout, le Conseil d’Etat constate que « des régimes moins restrictifs pour l’accès du public, notamment : – les services de transport des voyageurs, qui ne sont pas soumis, eu égard aux contraintes économiques de leur exploitation, à la limitation à dix personnes de tout rassemblement et réunion sur la voie publique ou dans un lieu public alors que de tels rassemblements et réunions ne peuvent pas se tenir dans les établissements de culte, même dans cette limite, en dehors des cérémonies funéraires ; – et les magasins de vente et centres commerciaux, les établissements d’enseignement ainsi que les bibliothèques qui peuvent, au regard de motifs économiques, éducatifs et culturels, accueillir du public dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er, lesquelles impliquent, à la lumière de l’avis du Haut conseil de la santé publique du 24 avril 2020, un espace sans contact d’environ 4 m2 par personne ».

Il ajoute également que :

« si, durant la première phase du « déconfinement », les rassemblements et réunions ne sont pas autorisés dans d’autres établissements recevant du public que les lieux de culte, en application du 1° du I de l’article 10 du décret contesté, les activités qui y sont exercées ne sont pas de même nature et les libertés fondamentales qui sont en jeu ne sont pas les mêmes ».

Enfin, il indique que :

« l’interdiction de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, à la seule exception des cérémonies funéraires regroupant moins de vingt personnes, a été essentiellement motivée par la volonté de limiter, durant une première phase du « déconfinement », les activités présentant, en elles-mêmes, un risque plus élevé de contamination et qu’elle ne l’a, en revanche, été ni par une éventuelle difficulté à élaborer des règles de sécurité adaptées aux activités en cause – certaines institutions religieuses ayant présenté des propositions en la matière depuis plusieurs semaines – ni par le risque que les responsables des établissements de culte ne puissent en faire assurer le respect ou que les autorités de l’Etat ne puissent exercer un contrôle effectif en la matière, ni encore par l’insuffisante disponibilité, durant cette première phase, du dispositif de traitement des chaînes de contamination ».

Partant, la Haute juridiction laisse huit jours au Premier Ministre pour prendre une décision qui respecte le principe de proportionnalité.

Quelques remarques sur cet arrêt :
L’atteinte à une liberté fondamentale, telle que le droit de pratiquer sa religion, doit être conditionné à un critère de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

Le Conseil d’Etat français reconnaît que le confinement porte atteinte à ce droit fondamental (comme, au demeurant, la section de législation du Conseil d’Etat belge l’avait fait avant lui).

Il ne conteste ni le caractère légal, ni la nécessité du confinement. Mais, de manière extrêmement prudente et circonstanciée, il examine la proportionnalité de la mesure.

Il remarque alors un phasage dans le (dé)confinement et procède à une analyse de l’importance d’un lieu de culte dans la hiérarchie sociale. Un lieu de culte ne fournit pas des biens de « première nécessité » (comme s’alimenter). Toutefois, le lieu de culte n’est pas réduit à n’importe quel autre lieu recevant du public. Dans la République laïque, qui protège la liberté de culte, la religion conserve donc une toute première importance pour les citoyens et il faut donc la traiter en conséquence.

Et à cet égard, le Conseil d’Etat remarque que d’autres activités (transports en commun) ou magasins sont soumis à des règles moins strictes que les Eglises, ce qui paraît donc disproportionné et ce, d’autant plus que des plans de déconfinement ont été proposés par les cultes.

Quelques remarques pour la Belgique :

Un confinement semblable à celui de la France est actuellement prévu par l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 « portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 », modifié une dernière fois le 15 mai 2020.

Cet arrêté, dont la procédure d’adoption est sujette à critiques, est moins sévère qu’en France, notamment sur la possibilité laissée aux citoyens d’effectuer des promenades.

En matière de cérémonies religieuses, une interdiction absolue est également fixée par l’article 5 de l’arrêté, sauf en ce qui concerne

« – les cérémonies funéraires, mais uniquement en présence de 30 personnes maximum, avec le maintien d’une distance d’1,5 mètre entre chaque personne et sans possibilité d’exposition du corps ;
– les mariages civils, mais uniquement en présence de 30 personnes maximum ;
– les mariages religieux, mais uniquement en présence de 30 personnes maximum ;
– les cérémonies religieuses enregistrées dans le but d’une diffusion par tous les canaux disponibles et qui ont lieu uniquement en présence de 10 personnes maximum, en ce compris les personnes en charge dudit enregistrement, avec le maintien d’une distance d’1,5 mètre entre chaque personne, et pour autant que le lieu de culte reste fermé au public pendant l’enregistrement ».

Même si cela commence à bouger en Belgique, peu d’initiatives ont jusqu’ici été adoptées par les Eglises pour œuvrer à leur déconfinement. Même, elles ont plutôt été proactives pour privilégier un auto-confinement avant que celui-ci ne soit imposé. La différence avec la France est, à cet égard, assez remarquable, mais est peut être due au système d’organisation des cultes en Belgique, très différent, notamment en ce qui concerne les règles de financement.

Enfin, le Conseil d’Etat belge s’est déjà prononcé une fois sur le confinement en Belgique et a validé la mesure. Toutefois, cet arrêt était également très circonstancié et est intervenu à une phase moins avancée du déconfinement. Chose importante enfin : les règles procédurales pour agir en extrême urgence semblent plus souples en France qu’en Belgique. Toutefois, la condition de l’urgence est également casuistique et peut varier en sévérité en fonction de l’atteinte aux libertés publiques dénoncée.

Définir le droit administratif

Le droit administratif est l’une des branches du droit. Il faut donc d’abord s’entendre sur le terme de « droit » avant d’en arriver au « droit administratif ».

Sans rentrer dans des définitions philosophiques, on peut dire que le droit, en tant que discipline scientifique, concerne l’étude des règles qui encadrent la vie en société et prescrivent aux individus les comportements à adopter. Ce droit est, le plus souvent, produit par un Etat et le contrôle de son respect est assuré par un juge, assisté d’une administration de la Justice. (étymologie du droit, tiré d’Etymologies du français, Coll., 3 tomes, Versailles, Belin, 1996)

« Le droit » peut aussi désigner dans le langage courant, non pas une discipline scientifique, mais cet ensemble de règles lui-même.

Le système complet de règles juridiques est toutefois habituellement appelé « l’ordre juridique » ou « l’ordonnancement juridique ». On parle aussi dans ce cas du « droit objectif », ou de l’ensemble des règles de « droit objectif ».

On oppose en général le droit objectif aux « droits subjectifs » (au pluriel), qui sont les avantages que puisent les individus dans la mise en œuvre des règles de droit objectif. Lorsqu’on dit « j’ai droit à un avocat » ou « j’ai le droit d’assister à ce concert », cela signifie que je dispose d’un droit subjectif, d’une part, à être défendu (par un avocat), d’autre part, que j’ai le droit subjectif de me rendre dans la salle de concert et de rester durant la représentation, par exemple, parce que j’aurais préalablement payé ma place. Le premier exemple relève de l’exercice d’un droit fondamental : le droit à la défense, qui ressort du droit public et administratif. Le deuxième exemple concerne le droit privé et illustre qu’un droit subjectif peut naître pour une personne d’un accord entre plusieurs individus et peut être conditionné à la réalisation d’une démarche particulière (j’ai le droit d’assister à un concert parce que j’ai payé ma place).

L’adjectif « administratif » vient, quant à lui, de l’« administration », qui est une structure « au service » de son maître (dans la démocratie : le citoyen ou l’intérêt général). (étymologie de l’administration, op. cit.)

Le droit administratif est donc la branche du droit qui s’intéresse au fonctionnement et à la structure de cette administration et aux effets des règles qu’elle produit dans tous les domaines. A la différence du droit constitutionnel, qui traite des règles les plus importantes, qui sont au fondement de l’ordre juridique et de l’Etat, le droit administratif concerne les serviteurs ou les intendants de cet Etat. Concrètement, il intéresse tout un chacun puisque les administrations sont partout (qu’on songe seulement aux Communes en Belgique) et les décisions administratives sont le quotidien de chacun (acte d’état civil, permis d’urbanisme, taxe sur les déchets…).

Il s’agit d’une discipline assez récente puisque, si l’administration est aussi ancienne que les grands empires de l’Antiquité et que l’écriture, l’idée de la soumettre à des règles de droit est finalement assez nouvelle et remonte à un siècle ou deux.

Modèle de requête en annulation au Conseil d’État

REQUÊTE EN ANNULATION

 

Pour :                     — (Identité de la partie requérante, adresse de son siège social ou de son domicile et, selon les cas, numéro d’entreprise. S’il n’y a pas d’avocat, il faut également indiqué « au domicile duquel il est fait élection pour les besoins de la présente procédure »),

 

Partie requérante,

 

Ayant pour conseil Maître —, au cabinet duquel il est fait élection de domicile pour les besoins de la présente procédure. (uniquement dans le cas où il y a un avocat),

 

 

Contre :                                — (Identité de l’auteur de l’acte attaqué et son adresse)

 

Partie adverse,

 

 

 

*             *             *

 

À Monsieur le Premier Président, Président, Mesdames et Messieurs les Présidents et Conseillers qui composent le Conseil d’État,

 

Mesdames, Messieurs,

 

La requérante a l’honneur, par la présente requête, de solliciter l’annulation de la décision de — (indiquer la partie adverse) du — (date) qui — (libellé de l’acte attaqué), du chef de violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir.

Cette décision est jointe à la présente procédure et doit être considérée comme intégralement reproduite.

Cette décision lui a été notifiée par un courrier daté du —, reçu le —. (lorsque la décision a été envoyée par un pli officiel de l’administration)

ou

Cette décision a été publiée le —. (en principe, au Moniteur belge)

ou

La partie requérante a pris connaissance de cette décision de manière fortuite le — (lorsqu’aucune notification ou publication n’a été effectuée).

 

(NB : le recours doit être introduit en principe au plus tard 60 jours calendrier après cette date)

 

 

1. EXPOSE DES FAITS

 

(Exposez les faits de manière détaillée et numérotée à propos de l’acte dont vous désirez critiquer la légalité. Avez-vous eu la possibilité de participer à la phase d’élaboration via une enquête publique, par exemple ? indiquez-le, etc. L’EXPOSE DES FAITS EST OBLIGATOIRE !!!)

 

2. EXPOSE DES MOYENS

 

(Le recours en annulation est un recours en légalité, dirigé contre un acte administratif qui violerait des dispositions qui lui sont supérieures (loi, constitution, traité international…). Il ne s’agit pas de rechercher la faute de l’administration ou de se voir reconnaître en droit de quelque chose !

 

Il faut donc exposer, dès le stade de la requête, totalement et le plus complètement possible tous les moyens d’annulation qui peuvent être invoqués. APRES L’INTRODUCTION DE LA REQUETE, IL EST TROP TARD POUR CORRIGER LE TIR ; la consultation d’un avocat spécialisé est donc vivement conseillée dès ce stade).

 

 

2.1. UN PREMIER MOYEN pris de la violation de :

 

  • (liste complète des dispositions légales, constitutionnelles ou internationales violées)
  • (liste éventuelle des principes généraux du droit violés)

 

Développements :

 

(Expliquez exactement en quoi la disposition légale invoquée plus haut est violée par l’acte attaqué. Exemple : les articles 10 et 11 de la Constitution et les principes d’égalité, de non-discrimination et de proportionnalité sont violés parce que l’acte attaqué donne un avantage particulier à une catégorie de personnes et exclu de cet avantage une autre catégorie de personnes, pourtant semblable à la première. Aucun motif n’explique cette différence de traitement. Il y a donc une discrimination.

 

ATTENTION, ICI AUSSI, APRES L’INTRODUCTION DE LA REQUETE, IL EST IMPOSSIBLE D’AJOUTER DE TOUT NOUVEAUX ELEMENTS. La consultation d’un avocat spécialisé est donc vivement conseillée ou, tout au moins, une consultation rigoureuse de la jurisprudence du Conseil d’Etat, disponible sur le site de l’institution, doit être réalisée)

 

Par conséquent, le moyen est fondé.

 

 

2.2. UN DEUXIÈME MOYEN pris de la violation de :

 

(…)

 

Par conséquent, le moyen est fondé.

 

 

2.3. UN TROISIÈME MOYEN pris de la violation de :

 

(…)

 

Par conséquent, le moyen est fondé.

 

(etc.)

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La partie requérante Vous prie, Mesdames, Messieurs, d’annuler la décision litigieuse (reprendre son intitulé) et de mettre les dépens à charge de la partie adverse, en ce compris l’indemnité de procédure fixée à 700 euros.

 

Fait à… le…

 

Pour le requérant,

son conseil,

 

Me…

(s’il y a un avocat ; s’il n’y a pas d’avocat, le requérant signe lui-même. Si le requérant est une personne morale, elle veillera à introduire valablement le recours, conformément à ses statuts et à mandater correctement la personne qui signe, étant entendu que l’introduction d’un recours au Conseil d’État ne relève pas de la gestion journalière !!)

 

 

 

Annexes :

Inventaire

Pièce 1 : L’acte attaqué

Pièce 2 : Les statuts de la personne morale qui introduit le recours (il y a lieu de joindre une copie des statuts publiés et des statuts coordonnés en vigueur. Si la requête d’une personne morale n’est pas introduite par un avocat, il faut également produire la décision de l’organe de la personne morale habilité à introduire la requête en annulation, ainsi qu’une copie de l’acte de désignation de cet organe. À défaut, le Conseil d’Etat jugera le recours irrecevable)

(Pièce(s) 3, 4, 5… : toute autre pièce éventuellement utile à l’examen du recours par le Conseil d’État)

 

 

La requête doit être adressée au Conseil d’État, rue de la Science 33 à 1040 Bruxelles, par courrier recommandé dans un délai de soixante jours à dater de :

– la notification,

– de la publication ou

– de la prise de connaissance  (si aucune notification ou publication n’a été effectuée) de l’acte attaqué.

 

La requête doit être adressée en un exemplaire unique (daté et signé) et 3 copies également signées, portant la mention « copie conforme » + 1 exemplaire par partie en cause (donc, s’il y a 2 parties adverse, il faut un original + 5 copies conformes).

 

Un droit de 200 euros doit être acquitté pour chaque partie requérante. Le greffe envoie un formulaire de virement à cet effet après réception de la requête.

 

ATTENTION: le dépôt d’une requête en annulation au Conseil d’État enclenche une procédure devant le juge administratif, avec les obligations qui y sont liées (paiement des droits de rôle, indemnisation de l’avocat de la partie adverse en cas de rejet du recours, etc.). Le titulaire de ce site Internet ne peut être tenu responsable d’une mauvaise utilisation qui serait faite d’un tel acte de procédure.