Dans son arrêt n° 244.075 du 1er avril 2019, le Conseil d’Etat a annulé l’article 2 du règlement de police du conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode relatif à la prostitution en vitrine, adopté le 28 mai 2018 et qui visait à largement encadrer, voire interdire, la pratique de la prostitution en vitrine sur son territoire.
La police administrative générale appartient aux Communes, ce qui leur permet de statuer sur la question du respect de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques (article 135 de la Nouvelle loi communale, ci-après « NLC »). Sur cette base, les Communes peuvent adopter des mesures de contrainte vis-à-vis des citoyens et limiter leurs droits d’autant afin de faire respecter l’ordre public. Par exemple, la détention de certains animaux peut être interdite, l’exercice de certaines activités sur le domaine public peut être réglementé, etc. Aux siècles passés, la Commune a pu, sur base de son pouvoir de police administrative générale imposer un type d’éclairage public (sécurité publique sur la voirie) ou imposer le raccordement à l’eau (salubrité publique), comme l’a par exemple démontré M. YERNAULT dans sa thèse de doctorat. Aujourd’hui, il faut signaler que nombre de compétences qui appartenaient aux Commune sur base de la police administrative générale sont passées à d’autres autorités publiques en raison de lois, de décrets ou d’ordonnances particulières.
Au sein de la Commune, différents organes sont compétents pour adopter des mesures de police administrative générale : le Bourgmestre peut adopter les mesures individuelles de contrainte, comme la fermeture d’un café (articles 134 et suivants de la NLC) et les règlements généraux de police sont de la compétence du Conseil communal (article 119 de la NLC). Le Collège des Bourgmestre et Echevins (ou le Collège communal en Région wallonne) conserve, quant à lui, la compétence de la police des spectacles (article 130 de la NLC).
L’acte attaqué devant le Conseil d’Etat était un règlement, adopté par le Conseil communal. S’agissant de la règlementation de la prostitution, l’acte attaqué s’appuyait sur une base légale plus particulière que les règles de bases de la police administrative générale mentionnées ci-dessus, à savoir l’article 121 de la NLC qui dispose que :
« Des règlements complémentaires de la loi du 21 août 1948 supprimant la réglementation officielle de la prostitution peuvent être arrêtés par les conseils communaux, s’ils ont pour objet d’assurer la moralité ou la tranquillité publique ».
Le règlement adopté sur cette base peut donc, d’une certaine manière, être plus large qu’une mesure ordinaire de police générale : il peut en effet viser la protection de la moralité publique, ce qui est n’est pas possible en recourant à l’article 135 de la NLC. Il est toutefois plus étroit à d’autres égards puisque ce règlement doit tenir compte de la loi du 21 août 1948 qui vise à supprimer la règlementation de la prostitution. S’agissant d’une loi visant à supprimer une règlementation, il est exclu que les Communes réintroduisent pareille limite : sa règlementation doit donc rester accessoire à l’activité de la prostitution.
Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat rappelle justement ces quelques principes, et indique d’abord que :
« Les autorités publiques, et particulièrement communales, disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider, en opportunité, si certains comportements sont à prohiber en vue de sauvegarder la tranquillité et la moralité publiques dans la mesure où l’article 121 de la Nouvelle loi communale leur impose d’y veiller ».
Il ajoute toutefois immédiatement que :
« une mesure de police préventive doit, même si elle s’avère nécessaire et efficace, être adaptée à la gravité du trouble auquel elle entend remédier. Il doit, dès lors, exister un rapport de proportionnalité entre l’atteinte à la liberté exercée et le trouble à éviter. Un règlement communal qui interdirait purement et simplement, ou rendrait exagérément difficile, l’exercice de la prostitution ne serait pas “complémentaire” de la loi du 21 août 1948 supprimant la réglementation officielle de la prostitution mais bien contraire à cette dernière. Si les autorités communales disposent d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la moralité publique, elles ne peuvent adopter une démarche prohibitive qui serait contraire à la volonté du législateur ».
L’arrêt précise également que :
« Dans un règlement adopté le 30 mai 2016 (par la même Commune), moins de deux ans avant l’acte attaqué, les autorités communales avaient déjà limité de manière très importante l’exercice de la prostitution sur le territoire de la commune puisqu’elle n’était déjà plus tolérée que dans trois rues : à savoir la rue Linné, la rue de la Prairie et la rue des Plantes.
Par conséquent, en décidant d’ouvrir une nouvelle crèche communale à l’angle de deux de ces rues, les autorités communales ne pouvaient ignorer qu’il s’agissait du seul endroit où la prostitution pouvait encore s’exercer. Dans ces conditions, il est contradictoire, après avoir pris une telle décision, de considérer comme le fait l’acte attaqué, qu’il existerait une incompatibilité complète, fondée sur la moralité publique, entre cette nouvelle implantation et l’activité prostitutionnelle préexistante, même en dehors des jours et des heures d’ouverture de la crèche ».
Le Conseil d’Etat indique encore que :
« La moralité publique au sens de l’article 121 de la Nouvelle loi communale ne peut aller jusqu’à interdire de porter une tenue “légère” dans un lieu visible depuis la voie publique pour le simple motif que de jeunes enfants accompagnés de leurs parents peuvent circuler dans la rue à toute heure du jour ou de la nuit ».
Il conclut enfin :
« Le revirement d’attitude consistant à interdire la prostitution dans deux rues supplémentaires par rapport au règlement précédent n’est dès lors pas raisonnablement justifié par l’ouverture d’une nouvelle crèche, la création de nouveaux logements ou par les rapports de police figurant dans le dossier administratif et cette interdiction constitue une mesure disproportionnée ».
Cette disposition du règlement communal est, par conséquent, annulée.